Le roi nu

Chroniques d'actualité, avec des attributs royaux qui pendouillent.

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Catégorie : Tombés du camion

  • Libre et radical comme le vent des steppes, vivant et dur au mal comme un hêtre en hiver, tu passes par le chas d’une aiguille et grignotes ta montagne une pédale après l’autre.
    Tu t’abreuves aux fontaines des villages accrochés. Tu plonges ton regard dans le sourire d’un vieux, édenté sur son banc, sous la treille de sa vie.
    Tu bivouaqueras ce soir au replat d’un adret, loin des lumières des villes et bagnoles honnies.

    Généreux, affectueux et sobre comme une bourrique, tes désirs simples échappent aux profiteurs de guerre.
    Tu glanes aux marges des routes ta nécessité stricte aux vergers défilants.
    Bâtisseur résolu de pentagones utopiques, esthète entêté de lenteur à vélo, mécano méthodique à coucher Deore, tu combats la vitesse et ignores les compteurs.
    Tiens ! Une chèvre au fossé t’accompagne un moment ; elle aussi a passé la clôture et gagné l’horizon.

    Tu es déserteur autoproclamé de la guerre économique. Tu sabotes à toute heure, le moteur emballé du cancer planétaire.
    Tu te fais pourfendeur des chimères contemporaines, des hypocrisies mafieuses, des colonies de béton, des pouvoirs en tous genres, petits et grands fascismes, civils ou uniformes.
    Tu accouches à tes heures de néologismes subversifs ; résistant sémantique aux systèmes systémiques.
    Tu fais enfin une pause à l’ombre d’un figuier. Les enfants attroupés viennent toucher ton vélo. Dans quinze ans l’un d’entre eux verra enfin la mer, et nous aurons gagné.

  • La recyclerie fait partie de ces îlots qui préfigurent le monde d’après et j’ai besoin de participer à sa réalisation concrète, palpable, pour des raisons de survie mentale. Le monde d’après s’interface avec mon propre corps quand il faut porter du lourd, nettoyer du crado, réparer du déglingué ; plein de choses pas instagramables par une influenceuse en voyage à Dubaï. Et le corps sauve l’esprit car c’est lui le chef.

    À contre-courant du gigantisme, du jetable, de l’éphémère, de l’algorithmique infaillible à haute fréquence atomique, bref, de la bêtise asensible de notre monde d’avant qui n’en finit pas de crever en se donnant des airs de vainqueur, la recyclerie m’invite à arrêter tout (mes achats neufs) et à réfléchir (à ce qui compte vraiment). Ce bénévolat est une aventure collective tout autant qu’individuelle, qui nous émancipe de nos servitudes, et par là, sabote notre allégeance au monde d’avant, l’affaiblissant d’autant, hâtant sa chute. L’espoir fait vivre.

    A la recyclerie, les chaises dépaillées discutent avec les vélos grippés et s’émoustillent à l’idée de retrouver les popotins de leur jeunesse ; vocation commune. Les assiettes répareillées s’impatientent de retrouver, qui des rognons au Porto dans son riz long, qui une salade de coin de table à la vinaigrette industrielle (pitié non !), qui un mafé du pays, non pas la recette Bambara, Sérère plutôt, qui un gratin de restes du dimanche soir, qui une moussaka brûlante, qui un œuf à la coque à mouillettes beursalées. (J’ai trouvé une râpe à fromage trois faces, parfaite pour les pizzas entre amis). A la recyclerie, les robes rêvent de se déhancher en reluquant dans le rayon musique un CD de Nirvana, tandis qu’un lampadaire radote auprès d’une cafetière : « de mon temps, sans toute cette électronique… »

    A la recyclerie, l’amitié est l’instrument, la liberté le métronome, l’objet la mélodie… et le bâtiment la salle de concert. Sans bâtiment pérenne et adapté, pas de concert. Pérenne et adapté, c’est ce qu’il faut pour s’ancrer et ne plus risquer de se faire éparpiller par les vents du monde d’avant. L’heure est à cette étape, condition sine qua non d’une rationalisation accrue, d’une viabilité économique consolidée, de l’atteinte d’une taille critique de l’équipe. C’est comme ça que j’imagine la suite : un cadre sécure et adapté pour un déploiement encore plus profitable aux habitant-es du territoire nontronnais.

  • Happening à Excideuil. Empaquetage de la statue du maréchal Bugeaud, enfumeur d’Algérie.

    Sonnet pour Alice

    Enfumages omis, piédestal odieux,
    prédations coupables, et nous silencieux.
    Au milieu coule un bronze de nos flancs conquérants.
    Au pied les tout petits, trottent benoîtement.

    Ô grandeur minuscule, vos gloires putrescibles,
    vos progrès falsifiés, vos meurtres indicibles ;
    En aucun cas vous n’êtes modèle pour nous ;
    Le musée des horreurs de l’Histoire est pour vous.

    Et maintenant allons au devant de nos pères.
    De leurs traumas tapis dans les grottes obscures,
    tâchons de distiller, une eau fraîche, un air pur.

    Quant à vous écrivaine, méfiez-vous du lecteur,
    qui voit dans l’art de perdre trouvaille à gageure ;
    transmute sa lecture au cou d’un militaire.

  • Carnet de voyage. Périgord Vert <–> Champagne. Juin 2023


    Connecté ou déconnecté ?

    Se déconnecter ; politique sanitaire personnelle indispensable. L’idée de se déconnecter ne date pas d’internet. Faire une retraite, c’est vieux comme le monde. Faire un pas de côté. Débrancher la routine. Utiliser l’itinérance comme parapluie anti-médiatique, et l’effort comme antidote à l’économie de l’attention. Laisser la solitude sédimenter les émotions accumulées au fil des mois, puis retrouver le désir de la vie sociale. Donner au silence le loisir de vider le trop plein de tout. Tâter ce que le minimum vital ouvre paradoxalement comme perspectives de vraie vie vivante.

    12 juin 2023. Voie verte de la Loire à vélo. Une sorte d’autoroute des vélos. Je croise et je dépasse des piétons, des joggeurs, des cyclistes. La plupart ont un casque sur les oreilles. Musique ? Podcast ? Conversation téléphonique avec la meilleure copine ?… Bien en amont de mes dépassements, je fais attention de faire sonner ma sonnette pour les prévenir et ne pas les surprendre. Ils n’entendent pas. Je recommence juste avant le dépassement. Ils n’entendent pas. Je dépasse, ils sursautent. J’aurais voulu les prévenir, entrer en communication, même subreptice ; signifier une bonne volonté de cohabitation, de partage d’un territoire et d’un plaisir commun, voire le sentiment diffus d’une résistance au monde comme il va. Mais ils sont dans leur bulle, déconnectés de moi, du chant des oiseaux, et probablement aussi de la lumière matinale sur la Loire, des odeurs de blé mêlées aux relents de vase d’un bras mort.

    Tribune

    Ça me saute de plus en plus aux yeux, le racisme, le sexisme, toutes les discriminations, ne sont qu’un moyen pour un groupe social de faire baisser le coût de la main d’œuvre à son profit. Capter la force de travail des esclaves, des bagnards, des femmes, des immigrés, des enfants, des non-censitaires. Qui est mal payé ? Qui en profite ?

    Tout le reste n’est qu’habillage cynique et hypocrite d’idiots utiles.

    Procès verbal. Fuck le Tour de France.

    Attendu que des effondrements écologiques majeurs sont en cours et que les dépassements de limites planétaires font l’objet d’un consensus scientifique,

    Vus l’article 1.1 de la loi sur les mystères de l’existence et l’arrêté 465 alinéa 3 du code de la survie universelle,

    Attendu que les inégalités sont identifiées comme cause des verrouillages socio-techniques qui empêchent toute transition vers une civilisation soutenable,

    Attendu que les valeurs de croissance et de consommation sont avérées ringardes et fallacieuses,

    Entendues les allégations green-washisantes affligeantes de la société ASO,

    Lu le rapport d’expertise relevant les aberrations suivantes de l’organisation du tour de France :

    • Esprit de compétition complètement puéril. Aucun effort n’est fait pour que tout le monde parvienne ensemble à destination. Au contraire la compétition engendre de nombreuses chutes. Les premiers n’attendent pas les derniers, comble du manque de savoir-vivre.
    • Caravane publicitaire de mauvais goût, inutile et nocive avec ses 6 millions d’objets distribués. Spectateurs traités comme des singes au zoo.
    • Absence de porte-bagages et de sacoches sur les bicyclettes. Impossibilité pour les coureurs de faire des courses sur le trajet ou de ranger un maillot de bain et une serviette pour pouvoir se baigner dignement dans les lacs et rivières.
    • Tenues légères des coureurs trop suggestives et affriolantes. Le cyclisme n’est pas un lupanar !
    • 744 véhicules motorisés pour 183 coureurs (soit 4 pour 1) se décomposant comme suit :180 camions. 470 voitures. 8 hélicoptères. 23 autocars. 63 motos. Manque plus que la patrouille de France !
    • Privatisation d’un commun immatériel et symbolique d’intérêt national (les paysages, les territoires, le patrimoine…) au profit exclusif d’un groupe capitaliste familial.
    • Invisibilisation coupable des zones industrielles et commerciales pour donner une image de carte postale tronquée. Les images diffusées omettent toujours le survol des Patateries, Flunch, Mc Donald’s et Buffalo Grill, pourtant fleurons du savoir vivre à la française.
    • Seul point positif : l’absence de dopage dans ce sport

    Par ces motifs, déclarons le slogan Fuck le tour de France grande cause nationale 2023,

    Décidons la nationalisation du tour de France,

    Décidons la modification des règles de course afin d’en supprimer toute notions de compétition et d’y introduire des notions d’entraide, de musique, de pauses gastronomiques et de baignades. L’itinéraire sera voté chaque matin en assemblée générale ce qui garantira un départ pas avant 16h,

    Décidons le remplacement de la caravane publicitaire par la fanfare de la CGT avec ouverture du cortège par le black bloc et fermeture par la gay pride,

    Interdisons le port des tenues en lycra,

    Obligeons les journalistes, les directeurs, les mécanos, les soigneurs, les politiciens, à couvrir l’évènement eux-mêmes à vélo,

    Interdisons les nuits à l’hôtel ; seules les nuits sous la tente sont autorisées.

    Dont acte.

    Le conseil des soulèvements du vélo. A l’unanimité.

    Point de bascule et inversion de la charge de la preuve

    Sur le trajet du retour, j’ai pris le train entre Reims et Orléans via Paris. J’ai fait Gare de l’Est – République – Bastille – Austerlitz à vélo. Cela faisait plus de trente ans que je n’avais pas fait de vélo dans Paris ! A l’époque, les bagnoles étaient les chefs et les vélos les subordonnées. Je me souviens comment, pour me faire respecter, je devais hameçonner le regard des automobilistes et les intimider en plissant les yeux comme Lee Van Cleef dans le bon, la brut et le truand.

    Aujourd’hui les vélos ont pris le pouvoir ; un pouvoir incontrôlable, bordélique, réjouissant. Les cyclistes se foutent de tout : des tracés des pistes cyclables où on veut les enfermer, des stops, des feux rouges, des sens interdits, des trottoirs et escaliers, des signalétiques en tous genre. Pour le provincial que je suis devenu, il a fallu un petit temps d’adaptation mais ce n’est quand même pas Calcutta ou Kinshasa.

    Les cyclistes n’en font qu’à leur tête car ils sont les rois et c’est ce que font les rois. Les vélos sont très nombreux, suffisamment pour surgir en permanence et non plus occasionnellement. Ils ont atteint la taille critique. Point de bascule préalable au modèle hollandais (cela prendra encore trente ans, quel retard !).

    Désormais j’ai vu les automobilistes obligés d’être hyper-vigilants, terrorisés par ces surgissements incessants. Retournement de la terreur. Terrorise bien qui terrorisera le dernier. Je confesse une certaines jouissance à ce constat.

    Cela paraît difficile à croire, mais la civilisation de la voiture a atteint son pic à Paris il y a quelques années au début du vingt-et-unième siècle. Elle n’est pas encore morte, mais la pente descendante est là. Les politiques publiques ont le pouvoir de retarder ou favoriser les points de bascule. J’espère que les municipalités à venir enfonceront le clou pour faire de Paris une ville essentiellement cycliste. Plus les vélos feront la loi, plus ils seront nombreux, plus les voitures seront terrorisées, moins les gens prendront leur voiture, plus ils prendront le vélo. C’est une guerre de territoire menée sur plusieurs décennies.

    Looking encore for Paul

    J’étais reparti pour chercher Paul.

    Mes huit-cent bornes de l’an dernier m’avaient rapporté une fortune : une adresse près de Reims et un numéro de téléphone. Mais tous ces derniers mois, je n’ai pas appelé Paul. Peur du téléphone. Déjà de visu, je ne suis pas toujours bavard. Téléphon, piège à con.

    Néanmoins, en montant sur selle à la descente du train à Vierzon, je me suis dit que cette année, pas d’improvisation, j’appellerais quelques jours avant. Lundi, je laisse un message sur le répondeur. « – Je viens chez toi vendredi ou samedi, rappelle-moi ». Mardi, Sologne, forêts. Mercredi, Loing, céréales. Pas de nouvelles. Jeudi, Brie, fromage. Rien. Plat pays, faut vraiment avoir quelqu’un à aller trouver ! Je rappelle. Rien. D’accord, ce numéro qui commence par zéro-neuf est une voie sourde de garage, un trou noir numérique, une ligne de cuivre désaffectée, un résidu du passé antérieur aux téléphones mobiles, une option box superfétatoire offerte la première année puis trente-neuf euros quatre-vingt-dix-neuf par mois la deuxième avec trois-cent-vingt-quatre chaînes de télé incluses.

    Décidément, il est écrit que je dois te retrouver en présentiel et à l’improviste. En même temps, un road-trip sans piment, ça s’appelle une croisière organisée ; pas vraiment mon truc. Qu’il en soit ainsi. Re-roule ma poule.

    C’est une sensation bizarre de vouloir retrouver un pote d’enfance. C’est un risque, je le sais bien. J’ai plein d’amis pour lesquels j’ai décidé de ne pas prendre ce risque. Balance bénéfice-risque déficitaire. Mais je ne sais pourquoi, Paul, c’est différent. Pourquoi ? Je tourne la question depuis des mois. A la longue, je me suis dit qu’on s’en fout des pourquoi. Ça me rappelle les « pourquoi vous avez décidé d’adopter ? ». Tellement impossible de répondre. Les mots et les idées ont des limites ; il faut les reconnaître incompétents dans certains domaines. Et pourtant cette injonction sociale permanente du pourquoi me poursuit.

    Vendredi, Champagne, vignes. Je m’installe au camping d’Épernay histoire de prendre une douche. S’agit d’être un peu présentable demain. Merde, c’est blindé de camping-cars. Toute la fine fleur de la beaufitude retraitée européenne du nord s’est donnée rendez-vous pour jouer au riche et faire des dégustations de la pisse-à-bulle locale. Effectivement, à la paillote, on promet ce soir un verre de champagne offert avec le menu steak frites à quinze euros…

    Samedi matin, Jour J pour retrouver Paul. C’est parti pour la traversée de la montagne de Reims. Après deux-cent bornes sans descendre sur le petit plateau, ça va le dérouiller. Je me dis qu’ils sont bien prétentieux d’appeler ça une montagne. M’enfin, c’est vrai que ça cogne un peu de monter dans les vignes. Je scrute les vignerons au travail. Je vais peut-être tomber sur toi au hasard. Tu t’es peut-être acheté un petit arpent bien placé que tu fais fructifier grâce à ton savoir-faire. C’est peut-être toi dans la camionnette blanche qui arrive en face et tu vas peut-être me reconnaître ? Ça va être rigolo ! – Ben qu’est-ce que tu fais là ! – Rien, j’avais juste envie de te voir…

    C’est pas toi.

    A vrai dire, dans les vignes, j’entends surtout parler en langues inconnues. Les jeunes ne veulent plus travailler ma bonne dame, on est obligé de faire venir la main d’œuvre d’Europe de l’Est. Ici aussi, comme dans le mâconnais, on travaille surtout à la main. Je vois ces gars cassés en deux sous le cagnard. Ils doivent gagner un demi-SMIC. Peut-être au black. Pour faire du champagne qu’on vendra à des émirs du Koweït pour remplir leurs baignoires en marbre avec robinetterie en or massif. Je me trompe ou quelque-chose ne tourne pas rond sur la planète ? J’arrive au sommet. Je bascule sur le versant nord. Plaine de Reims en vue.

    J’arrive dans ta banlieue. Je vais manger dans un parc d’abord, je ne veux pas débouler pendant ton déjeuner si vous êtes en famille. Treize heure trente, j’arrive à ta maison. C’est tout fermé. P… ! Tout ça pour ça. Ils sont partis pour le week-end si ça se trouve. Bon restons calme et positivons, mon enquête a avancé : Sur la boîte aux lettres, ton nom, mais aussi celui de ta femme. Tu es donc marié. Première nouvelle. J’ai l’impression d’être un détective privé ; le Colombo à bicyclette dirait ma carte de visite. Je me réinstalle à l’ombre dans le parc. J’interroge Google au sujet de Madame. Google est plus bavard à son sujet qu’au tien. Réflexologue en libéral. Numéro de portable professionnel, c’est bon ça, c’est fiable. Je reprends espoir. J’appelle. Boîte vocale. « – Bonjour, je suis Grégoire, un ami d’enfance de Paul [blabla] je fais un tour à vélo [blabla] est-ce que tu peux lui passer mon numéro et lui demander de me rappeler ? ».

    Je m’allonge sur le banc. Il n’y a plus qu’à attendre. Sieste. Dix minutes passent. Le téléphone sonne. Mon cœur bat la chamade. « – Bonjour, c’est la gendarmerie de Nontron, vous êtes bien adjoint ? On n’arrive pas à joindre madame le maire ni le premier adjoint, on nous a signalé des vaches dans le bourg sur la route de Nontron. – OK je m’en occupe. – Allô Gilles ? T’as des vaches sur la route de Nontron. ». Raccroche. Sieste. Non mais. Dix minutes passent. Téléphone sonne. Cœur bat. « – Salut papa, c’est Jonel. C’est pour le 30 juin [blabla]. – D’accord on fait comme ça ». Raccroche. P… ça fait quatre jours que j’avais pas reçu de coup de fil, faut que ça tombe maintenant ! Sieste. Dix minutes. Sonne. Bat. « – Allô, c’est Paul ! [rires]. Rendez-vous chez moi dans cinq minutes »

    Retrouvaille. Embrassade. Terrasse. Boire quelque-chose ? Ouais. Depuis combien de temps ? Dix-huit ans ? La vache. Alors comme ça t’es marié ? T’as des enfants ? Quel age ? Et ton frère, et ta sœur ? Ah ! Mais du coup, le Morvan c’était en 88, on avait plutôt 16 ans…

    C’est bien Paul. Ça fait du bien.

    J+1. Mission accomplie. Départ pour le retour, je remonte sur mon vélo direction la gare. Quelques heures plus tard, je tue le temps au jardin des plantes en attendant un train à Austerlitz. Paris est un naufrage, les parisiens des automates. Je repense à Paul. Le Paris de notre enfance, celui dont nous étions pleinement propriétaires puisque natifs, celui dont nous parcourions l’usufruit quotidiennement en métro, en roller, en vélo, nous l’avons troqué il y a belle lurette à de nouveaux parisiens contre une fortune : la province. En les regardant faire leur jogging à la queue-leu-leu au jardin des plantes, j’ai mauvaise conscience ; on les a bien entubés. Des troupeaux entiers de nouvelles têtes de veaux sont venues s’agglomérer et Paris a continué à s’enfoncer dans la pollution, la vitesse, l’écume de vie, la misère. Je m’assoupis sur un banc.

    Flash ! Ça y est, je sais pourquoi Paul c’est différent. Je me souviens, je visualise, je rembobine, je reformule mon enfance : Paul, c’est pour moi un cousin d’adoption, un genre de frère de lait, puis un complice en émancipations. C’est rare, et différent, et important, voilà tout ; voilà pourquoi j’ai fait mille-six-cent bornes.

  • Et maintenant, puisque c’est ainsi, va.

    Va. Vogue sur la mer des rhizomes, aux confluences des océans d’humus.

    Étanche ta soif aux ornières, aux mousses, aux rosées perlières, aux pluies diluviennes.

    Fais-toi fouir une nuit par une harde affamée ; console un vieux solitaire la suivante.

    Écoute le chant lancinant des myriades invisibles échafaudant leurs turricules ;

    Descends les galeries des entrailles jusqu’à retrouver la roche mère ;

    Pose ta joue sur son cœur. Vide ton sac. Pleure. Tête. Pleure. Dors.

    Éveille-toi neuf, vierge, nu, naïf, inconscient, ébahi, confiant.

    Fais-toi happer par les mycorhizes et coule-toi hilare dans la sève irrépressible jusqu’aux plus hautes frondaisons du monde.

    Éclate dans les bourgeons du printemps, étale-toi peinard dans les feuilles torides de l’été, vole en freeride au gré des vents de l’automne. Et retourne encore et encore te lover au creux de la roche mère.

    Puisque c’est ainsi, te dit-elle, dorénavant, nous chuchoterons toi et moi, à qui veut l’entendre, les mystères de la vie, de la mort, de la vie, de la mort, de la vie…

  • Toujours, quand on y entrait, ça nous prenait aux tripes ce silence… comme une interdiction absolue de débordement de vie. C’était un silence moisi à cause de l’odeur des vieux papiers entassés du sol au plafond et ce volume astronomique de manuscrits et de vieux journaux nous coupait le souffle. Nous qui ne jurions que par les parties de cache-cache et les sacs de bonbons, chaque irruption dans le bureau de grand-père provoquait un affaissement de nos capacités vitales.

    Grand-père souriait. Il était content de nous voir, je ne peux pas dire qu’il n’était pas affectueux, mais dans ses yeux subsistaient les abysses des mondes passés dans lesquels il était plongé une seconde auparavant. Grand-mère nous donnait toujours la consigne d’ouvrir la porte délicatement et de marcher sur la pointe des pieds pour ne pas le déranger. Elle disait « il faut lui laisser le temps de revenir ».

    Un jour, une seule fois, il a levé la main pour nous signifier qu’on pouvait rentrer mais qu’il ne fallait rien dire et ne pas bouger. Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés à le regarder travailler, dans un état d’absorption tel que je me suis senti moi-même absorbé. Une nouvelle sensation. A bien y réfléchir, vingt ans plus tard, je pense que je suis toujours un peu absorbé. Ce fut un tournant.

  • Germaine s’amuse d’observer le deuxième clocheton de l’église d’Augignac, bizarrerie architecturale de l’Histoire, appendice à la fois prétentieux et dérisoire, stigmate de l’harmonie des siècles et témoin des vicissitudes humaines. Depuis des années, à chaque migration automnale, elle en a fait non pas un point de repère, elle n’a pas besoin de ça, mais une occasion de casser la routine du vol et de sourire un peu dans un quotidien éprouvant.

    Ses voisines de voyage s’en foutent, s’appliquant machinalement à rester dans l’appel d’air de celle de devant et grouant à qui-mieux-mieux pour se rassurer quant à leur appartenance nationale. – Quand on a autant besoin de se rassurer, songe Germaine, c’est que c’est des conneries cette histoire de nation !

    Germaine est rebelle et rêveuse, ce qui lui vaut régulièrement les remontrances du groupe, car ses rêveries provoquent des incartades qui foutent le bordel dans le plan de vol général et des cassures dans la chaîne de droite en particulier. La colonelle pique des colères noires, disant que ça nous fait perdre quatre pourcent de rendement et que si ça continue, on n’arrivera pas à Oran avant novembre. Et elle ajoute : « Pour celles qui arriveront ». Toutes le grues jettent alors des regards noirs en direction de Germaine qui s’en fout magistralement et pense in petto « Vous êtes vraiment toutes des greluches, on s’en fout d’Oran, on n’aura qu’à passer l’hiver en Andalousie ». De toute façon, c’est le moment pour Germaine de faire un crochet en solo par Excideuil avant de retrouver le groupe du côté de Lalinde. Les autres grues sont soulagées disant que ça va leur faire des vacances.

    Germaine est l’héritière d’une tradition vieille de douze générations de grues et presque cent-quarante ans. C’est une aïeule anticoloniale qui l’a instituée à la fin du dix-neuvième siècle et la tradition ne fut interrompue qu’entre 1962 et 1970. Cela consistait à aller chier chaque année sur la tête de la statue du maréchal Bugeaud place d’Isly à Alger. La tradition aurait pu s’éteindre en 1962 quand la statue a disparu, mais le hasard a voulu que le vent de l’automne 70 déroute les grues vers Excideuil et que l’arrière-arrière grand mère de Germaine reconnaisse la statue qui avait été ressuscitée dans cette bourgade du Périgord Vert.

    Dimanche 23 octobre 2022. Germaine chie fièrement sur la statue du maréchal, pense à ses ancêtres, et soulagée du devoir accompli, met les bouchées doubles pour rejoindre Lalinde. L’an prochain, elle recommencera et se fera accompagner par sa fille pour lui transmettre l’héritage, la fierté et le devoir, jusqu’à ce que le conseil municipal d’Excideuil, souverain ignare, veuille bien enfin déclasser Bugeaud au musée des horreurs de l’Histoire.

  • L’hiver, la méga-bassine se remplit d’orgueil et de corruption. Sangsue de la terre, elle suce la sueur, les larmes et l’amour des hominidés ; elle pompe la luxuriance et la postérité du reste. De tout le reste. De la totalité du reste. De l’absolue totalité du reste. L’hiver, la méga-bassine matraque tout ce qui bouge et pompe tout ce qui passe à sa portée.

    L’été, la méga-bassine dilapide l’héritage universel et se vide de sa bile aseptique pour assouvir son dessein désertique. Obstinément, savamment, consciencieusement, elle recouvre de cendres grises l’avenir et le passé du jardin d’Éden. Psychopathe, elle lapide, lacère, éventre, éviscère, dépiaute, assèche, pille, estropie. Estropie trop.

    Des gens sont venus, bariolés, bruyants, assoiffés, déterminés. Ils ont pété les grilles de la méga-bassine, pété les pompes à fric, pété les cordons de CRS, les cordons de la bourse ; ils ont dansé dans le vent de la saison inconnue, bu jusqu’à l’aube des temps nouveaux, planté les étendards de la sagesse, de la joie et de la générosité dans nos trois mornes plaines de la sécurité, de l’opulence et de la morosité.

  • Ce matin-là, oncle Philippe sortit de sa case à l’heure où le soleil levant fait sa toilette dans le Niger, accrochant son boubou (le soleil, pas oncle Philippe) au baobab de la famille Traoré. Oncle Phil’, c’est comme cela que nous l’appelions, se frotta les yeux, s’étira, et se moucha dans son mouchoir légendaire aux allures de nappe de pique-nique. Après quoi, comme chaque matin, il alla se baigner dans le fleuve.

    Oncle Phil’ disait que sa case était ronde comme la mairie d’Ambert et pointue comme un chapeau chinois, bref que c’était un chef d’œuvre typique de notre architecture malinké. Le torchis des murs logeait son lot de margouillats et le chaume du toit des colonies de tisserands, de sorte qu’oncle Phil’ qualifiait alternativement sa case de « ma colocation » ou de « mon château en Périgord », ce qui, pour nous qui n’étions jamais allé plus loin que la mosquée de Kangaré, était magique et mystérieux.

    Dans la case de l’oncle Phil’ on trouvait :

    une flûte à bec

    une flûte alto

    une clarinette

    un joli saxo

    On trouvait aussi :

    un gros dictionnaire

    du papier carbone

    une Bible bréviaire

    une loupe à miro

    Tous ces objets nous impressionnaient bigrement, nous ses neveux, quand nous entrions dans la case de l’oncle Phil’. Mais l’objet qui forçait le plus notre respect, qui nous coupait le souffle, celui qui conférait à oncle Phil’ un statut social que nous n’atteindrions certes jamais nous-même, mais dont nous ne nous privions pas de nous prévaloir au village, l’objet donc qui trônait sur le mur au-dessus de son lit, c’était un fusil Chassepot 1866 avec baïonnette, cartouches, et tout l’attirail d’entretien connexe dans ses étuis en cuir. En la présence de ce fusil, finies les blagues de sales gosses du genre : quelle est la couleur du boubou blanc d’oncle Phil’ ? Ou : Quelle est la contenance, en hectolitres, de son bol de petit-déjeuner ?

    Ce fusil fut la télévision de notre enfance. Il suffisait de prononcer son nom et c’était comme un

    interrupteur, oncle Phil’ nous racontait des histoires. Ce Chassepot savait faire défiler sa vie sur nos écrans intérieurs de façon si nette et colorée, que curieusement pour un instrument de mort, parce-qu’il avait accompagné oncle Phil’ partout dans le monde pendant quatre-vingts ans, il était en quelques sortes devenu en vieillissant la Vie elle-même et tous deux ne faisaient qu’un. Assis sous le manguier devant sa case, oncle Phil’ et son fusil nous projetaient des images de bateaux écarlates aux cheminées diaboliques, de tranchées boueuses, de camarades héroïques, d’antipodes luxuriants, d’escales à Madras ou Valparaiso, de foyers Sonacotra et d’usines Berliet, et plus récemment, de retour au pays natal, de chasses aux derniers tigres.

    Ce matin-là, comme chaque matin, oncle Phil’ revint du fleuve Niger éternel plus jeune que la veille. Comme chaque matin, il pénétra dans son « château en Périgord » pour commencer sa journée en démontant, graissant et remontant son Chassepot. Chaque pièce avait son emplacement attitré et comme dans un bon scénario, j’avais compris que l’acmé était incontestablement l’étape du brossage de la culasse. Mille fois, je l’avais regardé faire religieusement. Et c’est vrai que chez l’oncle Phil’, je peux en témoigner, l’opération relevait littéralement du sacré et de la survie existentielle. Si le fusil ne chassait plus depuis belle lurette, le rituel d’entretien, lui, demeurait.

    Ce matin-là, oncle Phil’ me fit signe d’entrer, posa le fusil sur le bureau et me dit que je l’avais suffisamment observé ; que c’était à moi désormais de graisser le Chassepot. Ce que je fis et fais encore chaque matin à l’heure où le soleil levant fait sa toilette dans le Niger, accrochant son boubou au baobab de la famille Traoré.


  • Ils sont là à papoter, faisant connaissance. Moi je les connais. L’un est déserteur, l’autre mercenaire. De la guerre économique. Mais le déserteur ignore que le mercenaire est mercenaire et réciproquement. C’est bizarre à observer du coin de l’œil, un déserteur et un mercenaire qui font connaissance. C’est bizarre et ça fait un peu peur. J’aimerais entendre ce qu’ils se disent. Je suppose que comme nous tous, ils commencent par la périphérie, des banalités, pour ne pas effrayer l’autre ; les enfants, les voyages, le travail.

    Pendant ce temps, les kafégüzels, notre miracle musical local, nous irradient de leur talent et de leur générosité. Ils disent que les amours germent là-bas sur les versants de la mer monde, entre les cueilleurs de raisins et les bergères de chèvres. Ils disent que les amours sont contrariées par les pères, les maris, les amants, les hidalgos, et que les filles ne savent où reposer. Ils disent que les matriochkas se cachent par timidité dans les jupes de leur mère mais que cette timidité cache un appétit féroce.

    Mon déserteur et mon mercenaire continuent de causer. Je suppose que par effet de force centripète, chacun se dévoile de plus en plus. Une conversation, à chaque tour d’oignon, enlève une pelure. A quel moment en auront ils épluché suffisamment pour comprendre qui est vraiment leur interlocuteur ? Je me demande s’ils ont déjà compris que d’un certain point de vue, ils sont l’exact négatif de l’autre.

    Les kafégüzels jouent, frappent, chantent, voyagent dans nos cœurs. Ils disent que la beauté est une ambition atteignable et prouvent que c’est ça la bonne direction. Les étoiles filent sous la voûte nontronnaise. Le déserteur et le mercenaire ont aimé le concert.

  • Un soir, tandis que la Dronne se baigne dans les aulnes qui se penchent sur l’eau pour voir le ciel, et que le ciel s’accroche aux étourneaux pour ne pas s’envoler corps et âme dans le firmament, le firmament glisse à pas de velours pour passer incognito sous les satellites d’observation.

    Le satellite géostationnaire gravitationnel Musk 2413, collecteur communicant de big data à intelligence itérative haute définition, s’observe dans la rivière, se penche pour mieux s’admirer, et tombe en pluie incandescente.

    Requiem aeternam, chantent et rient et dansent le firmament, les étourneaux, les aulnes, la rivière.

  • Alors je te le dis, ami,
    la main sur l’épaule :
    Allons, courage, résistons.
    Allons courage, bâtissons.
    Allons courage, chérissons
    la vie
    l’amour
    le vent
    le sel
    les cœurs qui battent
    sous la peau
    les poils
    les plumes
    les coquilles, les écailles ;
    depuis la nuit des temps,
    notre condition est la même.
    Malgré les artefacts du crédit de la modernité,
    ne nous en déplaise prétentieux.
    Et pourquoi cela ne suffirait-il pas ?
    Par les temps qui courent,
    si tu souris, tu résistes,
    si tu danses, tu es dissident,
    si tu paresses au soleil, tu es ennemi de la nation,
    si tu ouvres tes bras,
    tu seras le dernier Homme,
    et c’est un beau défi ;
    pas pire que ceux de nos ancêtres
    serfs
    chasseurs
    esclaves
    mineurs ;
    pas pire que nos contemporains lointains,
    à l’espérance de vie d’un tiers.
    Et tu seras peut-être
    le premier Homme,
    et c’est un beau défi.

  • Carnet de voyage à vélo. Périgord Vert <–> Mâconnais. Mai 2022.


    Tutoriel

    Attention, ce tutoriel ne fonctionne que pour les voyageurs à pied ou à vélo.

    – Ciblez un petit camping municipal, pas un camping privé.

    – Entrez dans le camping après 20h après que généralement, l’employée municipale chargée de l’accueil, soit rentrée chez elle.

    – Installez-vous avec naturel, plantez la tente, profitez des douches, des WC, faites la lessive du jour, rechargez votre téléphone dans une prise des sanitaires.

    – Bonus. Sympathisez avec un voisin camping-cariste qui fait un barbecue. À la question « vous venez de loin ? », ne lésinez pas sur les kilomètres et intéressez-vous presque sincèrement à ses récits de voyages, notamment celui où il vous raconte qu’il a fait les Cévennes et les gorges du Tarn en 2004 quand le tour de France passait à Sainte Énimie mais que la petite avait vomi toutes ses saucisses rapport aux virages.

    – Acceptez l’invitation à dîner de votre nouvel ami et prenez la mesure que chaque saucisse ou bière offerte est conditionnée à l’écoute attentive d’un nouveau récit.

    – Après le sixième récit sur l’été étonnamment pluvieux 2013 dans le Cotentin avec vue sur l’usine de retraitement nucléaire de la Hague, prenez congé de votre hôte, arguant de votre état de fatigue bien compréhensible et allez vous coucher.

    – Levez-vous tôt, remballez vos affaires, prenez votre petit déjeuner, brossez-vous les dents et faites le plein de vos gourdes.

    – Quittez les lieux avant 7h30 de préférence, avant l’arrivée de l’employée communale. Triez-vos déchets à la sortie du camping.

    – Si par hasard, vous tombez sur une employée communale, matinale et vénale, informez-là avec tact, sans vexation, mais avec une certaine autorité morale, du récent décret « compensation carbone » issue de la loi cadre « climat et résilience » qui prévoit de rendre gratuits tous les campings municipaux pour les voyageurs itinérants à pieds, à cheval, à vélo ou en bateau à voile, chaque commune étant concommitament autorisée pour rentrer dans ses frais et par mesure compensatoire dite « carbone », à modifier sa grille de taxes de séjour en levant une « taxe carbone additionnelle » sur les caravanes et une « taxe super-carbone » sur les camping-cars.

    – Profitez des dix secondes de perplexité de l’employée communale pour faire un beau sourire, souhaitez une bonne journée, et lancez-vous vers de nouveaux horizons et campings généreux.

    – Chantez « on the route encore » aussi fort et longtemps que nécessaire pour feindre de ne pas entendre l’employée communale.

    Épistolaire creusois

    Madame la présidente du Conseil départemental de la Creuse,

    Traversant actuellement votre magnifique département au cours d’un voyage à bicyclette entre le Périgord et le Mâconnais, je me régale sur certaines de vos routes départementales, de voir les bas-côté non fauchés en cette deuxième quinzaine du mois de mai. Quelle richesse de fleurs sauvages aux couleurs chatoyantes rendant les montées moins éprouvantes !

    J’ai eu le loisir d’observer également comme cette luxuriance permet d’abriter une petite faune en pleine forme, en particulier de magnifiques lézards verts.

    Je ne peux donc que vous encourager à continuer à favoriser ainsi les fauchages les plus tardifs possibles. J’ai pu constater que sur les axes les plus passants, cette politique n’était hélas pas mise en œuvre. J’espère qu’elle pourra l’être l’an prochain.

    Veuillez agréer, Madame la présidente du Conseil départemental de la Creuse, l’expression de ma considération respectueuse.

    La pollinisation des boîtes à livres.

    La prolifération des boîtes à livres dans les bourgs, c’est génial pour les voyageurs légers. Un bourg, c’est tous les vingt kilomètres.

    J’ai emporté « une année à la campagne » de Sue Hubbell. Quand je l’aurai fini, je le laisserai dans une boîte à livres. Pas encore fini, je tombe sur une boîte à livres et embarque un Bernard Clavel. Le soir, je termine Sue Hubbell. Le lendemain, je le dépose dans une boîte à livres. Le soir, Bernard Clavel m’emmerde. Le lendemain, je le pose dans une autre boîte à livres et emporte « le poney rouge » de Steinbeck et un autre que j’ai oublié. Je lis le « poney rouge » et me lasse à la moitié. Je laisse mes deux livres dans une autre boîte à livres et prends un Dany Laferrière prometteur « L’art presque perdu de ne rien faire ». Quelques jours plus tard, le finissant dans le train entre Montluçon et Limoges, je le proposerai à un wagon perplexe et méfiant par tant d’incongruité, à l’exception d’une jeune femme en robe verte et sandales à semelles plates manifestement ravie d’une expérience si anticonventionnelle.

    Puisqu’il est entendu que des livres ont changé des vies, que la rencontre d’un auteur et d’un lecteur est une alchimie insondable et imprédictible, je trouve terriblement excitant de déplacer des livres, ajoutant du chaos à la théorie du chaos. Si un vol de papillon déclenche un ouragan de l’autre côté de l’océan, n’est-ce pas tentant de souffler sur le papillon ?

    Re : Épistolaire creusois

    Monsieur,

    Je vous remercie chaleureusement pour le témoignage que vous portez à l’occasion de votre passage dans notre département. Très sensible aux enjeux de la biodiversité, notre département met effectivement en place une politique de réduction des cycles de fauches. Nous sommes tenus néanmoins d’assurer la sécurité des automobilistes, c’est pourquoi nous ne pouvons étendre cette fauche tardive à tous les axes routiers.

    Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de nos sentiments dévoués.

    Tribune

    Pourquoi je suis contre le rétablissement de la peine de mort pour Bernard Arnault ?

    Je suis résolument contre le rétablissement de la peine de mort pour Bernard Arnault parce-que chaque être humain dispose d’une dignité inaliénable. Céder à la tentation de la peine de mort, c’est renoncer à l’idée même d’émancipation de tout être humain et le cas échéant, la mise en œuvre de la peine de mort affaiblit la dignité du bourreau et par extension celle de la société qui mène son bras.

    Pour cette raison, je suis contre le rétablissement de la peine de mort pour Bernard Arnault ainsi que pour Vincent Bolloré, Martin Bouygues, Thierry Dassault, Françoise Bettencourt, François Pinault, Xavier Niel, Arnaud Lagardère, Gérard Mulliez….

    Au commencement était le silence

    Partir en voyage à vélo, couper les médias, vivre en solitaire, cela ne m’a pas protégé du bruit. Bien que navigant dans la diagonale du vide, je n’ai presque jamais entendu le silence. La campagne ne se différencie pas de la ville de ce point de vue. Le silence, c’est quand on n’entend plus de moteur. Les oiseaux, le vent dans les feuilles, ce n’est pas du bruit.

    Mais même dans un pré isolé, le soir, quand les voitures sont devant la télé, que les tracteurs ont rentré le foin, que les déligneuses de scieries laissent sécher les grumes dans la torpeur du crépuscule, la disparition des bruits proches ne fait qu’ouvrir la fenêtre des bruits lointains : la grand’route, les avions de ligne en partance pour Sydney ou Montréal, les canons à gaz pour protéger les semis de ces salauds d’oiseaux immigrés qui veulent manger le pain des français.

    Il est excessivement rare que ne subsistent que les sons des oiseaux, grillons, grenouilles et craquements de branches. Dans un monde motorisé, la recherche du silence est un acte de résistance.

    C’est amusant, au cœur de la France désormais sans pratique religieuse, de trouver justement un réseau de résistance si bien réparti ; on tombe sur une église au pire tous les dix kilomètres, souvent cinq. Et quelle ironie de penser que les bâtisseurs des modestes églises de villages comme des collégiales élancées des villes, qui avaient le souci de l’acoustique grégorienne pour que les voix pussent monter sans cacophonie, ont inventé sans le savoir cette architecture, aujourd’hui la seule, où l’on peut jouir d’un silence respirant sans pâtir de la claustrophobie d’un casque ou d’un triple vitrage.

    J’aime imaginer un architecte d’alors, atterrir sur la route à la manière de Jacquouille la fripouille, paniqué par l’agressivité omniprésente des moteurs d’automobiles, tondeuses-débroussailleuses, avions à réaction et concasseurs de carrière. Il se réfugie dans son église, qu’il connaît par cœur pour l’avoir bâtie, reprend peu à peu ses esprits, et constate le grand bénéfice de cette autre vocation acoustique dans un contexte qu’il ne pouvait imaginer à la conception.

    Chercher le silence, le trouver, s’y acclimater , l’apprivoiser comme un renard. Aujourd’hui c’est un acte de résistance. Si le moteur est un pouvoir, les églises sont un contre-pouvoir.

    La lenteur, l’ennui, le dénuement médiatique, la désertion, la minutie, la simplicité, sont les grenades contemporaines de la subversion et de la résistance.

    Mais au commencement était le silence.

    Re : Re : Épistolaire creusois

    Madame la présidente,

    Je vous remercie pour votre réponse.

    Je suis touché par votre souci sincère d’assurer la sécurité des automobilistes. Je suis moi-même très sensible à la mienne en tant que cycliste. J’ai d’ailleurs pu constater les vitesses extravagantes des voitures et il me semble que le problème de sécurité que vous évoquez (la visibilité, je suppose), pourrait aisément être résolu en abaissant la vitesse des véhicules de 20 km/h sur tous les axes, ce qui permettrait avantageusement de garantir à la fois la sécurité routière, la baisse des émissions d’échappements, l’allongement de la durée de vie des surfaces de roulage, et la biodiversité si spécifique des bords de routes.

    J’imagine également les économies considérables de gasoil et de main d’œuvre qui en découleraient au crédit du budget départemental car je suppose que le réseau dont vous avez la charge se chiffre en centaines de kilomètres.

    Bien cordialement.

    Looking for Paul

    J’étais parti pour trouver Paul.

    Paul, c’est un vieux copain d’enfance. En fait, mon plus vieux copain, on a dû jouer au bac à sable, nos mères étaient copines. C’est avec lui que j’ai fait mon premier tour à vélo. Le tour du Morvan. On avait quatorze ans. A cette occasion, avec lui, ma première première gorgée de bière.

    Paul est le genre de gars pas facile à retrouver quand on a perdu sa trace. Pas dans l’annuaire et impossible de passer par la bande. Quand j’ai décidé de faire un tour à vélo cette année, je me foutais bien de savoir où j’irais ; qu’importe la direction pourvu qu’il y ait l’ivresse. Et puis, tiens ! Si je partais à la recherche de Paul !

    La dernière fois que je l’ai vu, c’était il y a quinze ou vingt ans. Il était vigneron dans le mâconnais, à Verzé. Voilà pour la piste. Roule ma poule.

    Alors une semaine de pédalage pour atteindre le mâconnais, ça laisse le temps de gamberger. Est-ce que ça va lui faire plaisir de me voir ? Est-il toujours avec la même copine ? A-t-il des enfants ? A-t-il pris de l’embonpoint comme moi ou est-il toujours mince ? A-t-il connu des accidents de la vie et lesquels ? Est-il devenu alcoolique ? Vais-je le trouver dans les vignes ou au chai ? Vais-je le rater parce-qu’il sera parti en voyage d’études au Chili ou en Californie ? Paul tu me manques. Nos mères nous échangeaient comme des chemises et nous étions toujours fourrés l’un chez l’autre. Nos pères nous engueulaient, surtout le tien. Maintenant qu’ils sont tous morts, comment saurais-je si tu l’es ?

    Jour J. Je descends à la Roche Vineuse et m’engage dans la vallée de Verzé. Frais et dispo pour un improviste périlleux. Je suis en vacances et toi tu trimes. Vas-tu trouver ça cool de me voir débarquer comme ça ? Bon, je te dirai que je n’avais pas le choix, comment voulais-tu que je m’y prenne ? Tu as sûrement un programme pour la journée. Je vais te déranger. Je vais t’inviter au resto à midi ou ce soir. Si tu n’as pas charge de famille. Si tu n’as pas autre chose de prévu. Si, si, si…

    Je reconnais à peu près le coin. Je monte dans les vignes, tombe sur un vigneron.

    – Bonjour, je suis à la recherche d’un gars qui s’appelle Paul et qui travaille chez Leflaive.

    – Leflaive, ils ont des vignes là (il me montre le versant en face), mais je les vois pas aujourd’hui. Sinon, ils en ont aussi là-bas et là-bas.

    Ici, les arpents valent de l’or. Chacun a un petit territoire jaloux et bichonné comme la pelouse de Wembley. Pas besoin de faire grand mais par contre, c’est tout à la main.

    Je vais donc au premier « là-bas » où je tombe sur deux gars et une fille qui remontent des rangs sécateurs au poing. Ça traîne pas. Clac, clac, clac, au suivant. Le soleil cogne. J’aime pas déranger les gens qui bossent. J’attends qu’ils redescendent un rang. Rebelote :

    – Bonjour. Je suis à la recherche d’un gars…

    – Leflaive, c’est les gars là-bas. La camionnette blanche.

    OK, je tends au but. Je tiens mon Paul. Ils sont quatre en haut du rang. Je n’ai pas la patience d’attendre, je remonte par le bord de la vigne, j’essaye de penser aux traits de Paul pour le reconnaître malgré les années (et lesquelles ! On change beaucoup entre 30 et 50 ans). J’arrive en haut. A priori, pas de Paul dans le groupe. Les mecs sont cassés en deux à sarcler à la houe comme j’ai vu faire dans les champs au Sénégal, sérieux. Un gars s’approche.

    – Bonjour, je suis à la recherche…

    – Paul ? Il ne travaille plus ici. Il est parti en 2014 (putain huit ans !). Il est parti en Champagne. Désolé, je n’ai même pas son numéro.

    Bon, ben je suis bon pour un autre voyage.

    Re : Re : Re : Épistolaire creusois

    Monsieur,

    Nous avons pris bonne note de vos remarques afférentes aux fauchages des abords des routes départementales.

    Nous ne pouvons malheureusement pas accéder à votre demande de limitation de vitesse. La vitesse de circulation de nos citoyens est un axe stratégique de la politique de croissance de notre territoire. Sans vitesse, pas de gains de productivité, sans gains de productivité pas de croissance, sans croissance pas d’emplois.

    Aussi longtemps que je serai présidente du Conseil départemental de la Creuse, je défendrai le pouvoir d’achat des creusois. Le mode de vie des creusois n’est pas négociable.

    Creusement vôtre.

    😉

  • La garnison de Garaison

    pendait ses gars en désertion

    pour l’exemple disait-on.

    Tant et si bien que rébellions

    s’en sont suivies jusqu’au colon

    qui consciencieuse imitation

    se pendit là laissant gros con

    le général sans troufion.

    Le général mourut marron

    de faim de soif et d’occlusion

    car bon à rien sans bataillon.

    Moralité de la chanson :

    L’exemple vaut pas un bon bouillon.


  • En haut du village, le jeune crieur monte sur le parapet du lavoir qui domine les toits et les jardins. A la même place que son père et son grand-père et d’autres avant eux. Ici, depuis des siècles, l’acoustique du milieu du jour se met au service du crieur. Et le crieur se met au service de la communauté. Il connaît son rôle. Il sait à quel point il détient le pouvoir d’alimenter ou éteindre les rancœurs et médisances ; de gonfler ou anémier les bonnes nouvelles et d’engendrer la joie voire la liesse ; de souder les âmes autour du chagrin pour transmuter les solitudes en destin commun.

    Le crieur a été initié à dix-sept ans. C’était hier.

    Chez les crieurs, c’est la mue de la voix qui décide. Pas question d’initier un jeune crieur tant que sa voix garde le moindre filet d’aigrillon ! Il faut patienter. Mais le jeune crieur ne perd pas son temps. Toute son enfance, il écoute. Il écoute son père poser sa voix sur le dos des toits vermoulus. Il écoute le rythme des syllabes s’intercaler aux coups de tranches dans les jardins. Il écoute les ondulations chantantes pénétrer les interstices des huisseries et interloquer les oiseaux.

    Le jeune crieur patiente.

    Son enfance durant, il écoute son père et son grand-père discuter à la soupe. Ils discutent des nouvelles qu’ils doivent transmettre demain : une naissance, un mariage, la maladie, la mort ; La conscription, l’élection, un recensement, des interdictions ; Les objets trouvés, un avis de recherche, une exposition, un départ au loin. Le père et le grand-père parlent des tenants et aboutissants de chaque nouvelle, car chaque nouvelle est tenue par des fils rouges de tenants, et bleus d’aboutissants. Et ces fils importent autant que la nouvelle elle-même.

    Le jeune crieur

    son enfance durant,

    écoute son père et son grand-père

    dénouer les fils des nouvelles

    avant de les lancer au vent.

    Le jeune crieur se racle la gorge, descend sa glotte. Il est prêt. C’est son tour.

  • Quand à nouveau nous embrasserons

    Oublierons-nous comme c’était con ?

    Saurons-nous juste s’en délecter

    et prendre le temps de s’appliquer ?

    Quand à nouveau nous amasserons

    nous battrons-nous dans les rayons ?

    penserons-nous à partager ?

    de qui serons-nous l’étranger ?

    Quand à nouveau nous halèterons

    Oublierons-nous comme c’était bon ?

    Oublierons-nous de s’arrêter

    et les heures laisser s’écouler ?

    Quand à nouveau nous écouterons

    un ciel silencieux sans avions,

    imaginerons-nous continuer

    comme au passé tout saloper ?

    Quand à nouveau nous nous verrons

    Saurons-nous voir que dans le fond

    Nous sommes égaux, inachevés

    Parviendrons-nous à nous aimer ?

    Quand à nouveau nous paniquerons

    de paniquer comme des moutons

    la mort sera-t’elle notre alliée

    pour une vraie vie de vérité ?

  • > Charles-Édouard, vous m’avez déçue en vous entichant de ce jeune homme frivole et inconséquent. Vous pensez bien que depuis tant d’années, je me suis, sinon habituée, du moins résolue à vos frasques et excentricités. Mais la coupe est pleine. J’ai avalé trop de couleuvres. Je sens que cette fois-ci, mes forces me lâchent et mon espérance vacille. Monseigneur de la Carmoisie, m’a enjointe de redoubler mes prières mais vous avez asséché ma Foi. Votre inclination, que vous qualifiez de naturelle, me dégoûte. N’avez-vous pas un tant soi peu de commisération pour celle qui vous enfanta, veilla sur vos fièvres et vous dota si confortablement ? Je vous en supplie, ne vous entêtez pas et revenez à des attaches plus conventionnelles. Votre épouse Marie-Adélaïde m’a assurée de sa disposition à renoncer au divorce si vous modérez vos escapades ou tout au moins les rendez moins ostensibles. Dieu m’en est témoin, je saurai me montrer magnanime et généreuse à votre égard. Puissiez-vous m’entendre. Votre mère malgré tout.

    > Mon Carlito. Tu m’as rendu fou hier soir dans la loge. Ton empressement a presque rendu jaloux Federico qui a refusé de me poudrer avant le lever de rideau. Et quelle mouche t’a piqué de me lancer si ostensiblement des roses après le deuxième acte ! Cela dit, je ne t’en veux pas. J’avoue avoir bien ri en voyant ta femme furieuse. J’ai bien compris que c’était plus à elle qu’à moi que tu t’adressais. Je prends les pétales et lui laisse les épines. En fait, je t’en veux terriblement. Je croyais ta passion sincère mais je sens que tu m’utilises. M’aime-tu vraiment ? Je tremble à l’idée que tu me quitte. Je n’y survivrais pas. Comment pourrais-je me passer de la douceur de ta peau et sentir tes muscles rouler sous mes doigts. Et tes cheveux ! Ah tes cheveux ! Tu m’as évoqué ton projet de les raccourcir. N’en fais rien, je t’en conjure ! Mais je sais, tu n’en fais toujours qu’à ta tête. Je ne compte pas pour toi. Tu me dis que tu m’aimes. Mais à combien l’as-tu déja dit ? Je te déteste ! Tu m’avais promis quelques jours dans ton manoir normand. Si nous n’y allons pas dès demain, je te quitte. Ton petit Gatito.

    > Cher oncle Charles. Je ne te remercierai jamais assez du mauvais pas dont tu m’as tiré. Tous ces culs-bénis feraient mieux de profiter un peu de la vie plutôt que de s’occuper de celle des autres. Je ne sais pas ce que je serais devenu sans toi. Tu m’as permis d’accepter ma personne et mon tempérament et de vivre ma vie sans souci du qu’en dira-t’on. Tu as toujours été à mon écoute, tu m’as prêté ta garçonnière quand Père m’a chassé. Tu m’as protégé, et surtout, tu ne m’as jamais jugé. Quand je pense à ce que toi, tu as enduré ! Je t’admire d’être resté joyeux, accueillant et généreux. Je ne sais ou tu puises cette force. J’ai hâte de te retrouver pour deviser à loisirs dans les allées du Champ-de-Mars comme à notre habitude. Je t’embrasse. Georges.

  • – Je ne ferai plus les lessives.

    – Mais encore, dit-il d’un air grognon. Tu me dis ça, comme ça, de bute en blanc, puis rien ! D’accord, pas de problème, je ferai les lessives. Mais tu aurais pu m’en dire plus.

    Par exemple, moqueuse : Sais-tu seulement qu’il y a plusieurs options de températures ?

    Ou bien, idéologue : Alors comme ça tu penses toujours que le travail, c’est la libération des classes prolétariennes ?

    Ou encore, taciturne : J’ai déjà fait quatre-vingt-trois lessives depuis janvier.

    Rancunière : Tu vas enfin pouvoir regarder tes slips de près.

    Manipulatrice : Vous qui êtes si perspicace, mon cher, je me réjouis de vous voir trier le blanc, la couleur, la laine et le coton.

    Avare : Le bouton « cycle économique », c’est pas pour décorer.

    Désespérée : J’ai l’impression qu’on m’a arrimée à cette machine comme une moule à son rocher.

    Charmeuse : Tu n’imagines pas les voluptés que t’apportera cette activité… et je saurai me montrer reconnaissante.

    Cavalière : Je t’en foutrai moi un empôté pareil ! Même pas capable de retourner les manches.

    Aventurière : D’un autre côté, cela peut-être rigolo si toute la famille se retrouve avec des habits maronnasses.

    Vicieuse : Tiens, je t’ai mis ici la notice en serbo-croate. Je te laisse, j’ai ma gym pilates.

    Impulsive : Tout à coup, ça m’a pris en écoutant Marlène Chiappa et Paf ! Je me suis dit, j’ai fait la lessive depuis vingt ans ; je ne la ferai plus pendant vingt ans.

    Ironique : Tu sais, ça marche un peu comme la télé. Il y a des boutons et il n’y a plus qu’à attendre.

    Prévenante : Et là ! Patatras ! Tu te retrouves avec un T-shirt qui passe du XXL au L.

    Voila ma chère ce que tu aurais pu dire plutôt que simplement « je ne ferai plus les lessives »

  • La recette du vide ravira toutes les familles par sa simplicité, ses vertus salutaires et son coût abordable. Pour faire un grand vide :

    1/ Sortez toutes vos rancœur de vos placards et éparpillez-les sur la table.

    2/ Prenez votre plus grand fait-tout et garnissez le fond de vos contrariétés les plus récentes. Prenez simplement ce qui vous passe sous la main. Par exemple le souvenir de cet enfant qui n’a pas rangé le petit déjeuner ce matin. Ou celui de la voiture qui a refusé de démarrer.

    3/ Ajoutez soigneusement chaque rancœur, une par une, en prenant soin d’émonder au préalable les plus envahissantes. Pour les plus vulgaires, employez le presse-purée. Pour les plus acides, le presse-agrume. Filtrez les plus vicieuses au torchon. Pour les rancœurs les plus tenaces, coriaces, ou salaces, il est parfois nécessaire de les avoir attendries depuis la veille dans une marinade de bons souvenirs.

    4/ Mélangez le tout énergiquement à la fourchette ou au batteur, et écumez. Conservez précieusement cette écume au réfrigérateur, elle peut s’avérer utile pour certains entartages. Passez le reste à la moulinette jusqu’à obtenir une pâte de rancœurs homogène.

    5/ Mettez au four toute une nuit carrément au programme pyrolyse.

    6/ Au petit matin, passez l’éponge.

    Dégustez votre grand vide de préférence en silence pour démarrer la journée du bon pied.